Devant le petit Kambodge, j’ai rencontré 5 livreurs deliveroo, dont Sabo, qui parlait bien anglais avec qui j’ai pu discuter plus longuement. Ils viennent du Bengladesh, ils m’ont dit être content d’être en France. Mais leurs vœux pour 2025, c'est d'avoir assez d’argent pour aller voir leur famille au Benglaseh. Ils habitent porte de la Chapelle. Je leur ai demandé s’ils avaient vu “Lhistoire de Souleyman”. Je sais pas s’ils ont bien compris ma question. Mais ils m’ont dit être bien ” traités” et contents d’être ici. Je ne sais pas s’ils disaient ça pour me faire plaisir ou si c'était vrai. Ils m’ont dit que j’aurais pu avoir des origines arabes ou marocaines et que j’étais jolie. C’était dit de manière sympathique et respectueuse, et du coup ça m’a fait plaisir.
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Assise seule sur un banc sur le canal, je vois une dame seule. Je m’assois. Je ne lui dis pas que je suis en train de faire une expérience sociale, je lui dis que j’attends des amis et que j’ai du temps. Alors je fais la conversation. J’apprends qu’elle est Polonaise, qu’elle est venue en France jeune femme, et qu’elle a tout de suite trouvé du travail en tant que Danseuse aux folies Bergères. Elle adore Paris, elle adore la France, elle se sent chanceuse d’habiter ici depuis plus de 30 ans. Que des gens voyagent des milliers de km pour connaitre Paris et que nous on a tout a porter de main. Après son travail de danseuse, elle a du trouver autre chose, elle travaille comme réceptionniste en hotelerie. Elle me parait assez âgée, je lui parle de la retraite. Elle est contre. Elle pense qu’arrêter de travailler c’est se condamner à veillir, déprimer et mourir. Elle travaillera jusqu’à la fin de ces jours elle en est sûre. Notre conversation est agréable, je sens une forme d’amour pour la vie chez elle. Je lui demande ce qu’elle souhaite pour 2025. Elle reste évasive mais ma parle de beaucoup de changements. Je tente les questions sur la famille, les enfants, les réponses sont pas très précises. Finalement il est l’heure de partir. Je me lève et la salue, elle s’appelle Ursula. En partant, je vois qu’a sa gauche, il y a cannette de bière de 50cl ouverte.
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En me promenant près de parc Villemin. Je vois une vielle femme élégante en fauteuil roulant seule, qui patiente devant le portillon d’entrée. Que fait elle la, attend-elle quelqu’un ? As-t’elle besoin qu’on l’aide à rentrer dans le parc ? Est-ce que c’est parce qu’elle handicapée que je sens ce besoin de lui parler ? J’attends, je tourne, je m’approche. Elle me regarde, sèchement, le regard fier. Je sens qu’elle n’a pas vraiment envie de parler et qu’elle n’a pas besoin d’aide et de quoi je me mêle. Bon, je pivote, et là en face je vois une petit vielle dame marcher seule, elle a l’air de peiner un peu, les épaules rentrées. Je me dis « Bon ça va tu vas pas stigmatiser les vieux, tu vas pas imaginer que c’est parce que t’es vieux et seul que t’as besoin d’aide ». Mais quand même, je me rends compte qu’elle est en pull et qu’elle pas de manteau. Je prends mon courage à demain, « ça va madame » ? Elle se retourne et je découvre un visage tout doux de petite vieille, les lèvres souriantes, mais les yeux un peu hagards.« Je crois que je suis perdue » dit elle à moitié en riant. Elle grelotte. Par chance, j’ai prévu un max d’extra couches et je lui file mon long manteau d’entraineur de foot. Elle me dit qu’elle habite au « 5 bis Rue Béranger, pas loin d’ici, et qu’elle s’est perdue dans ses pensées. Elle me prend le bras, et on commence alors à marcher toutes les deux en descendant le canal, comme deux vieilles copines. On avance à deux à l’heure. « C’est fou qu’on soit tombée l’une sur l’autre. Quelle chance de vous rencontrer. On s’est rencontré comment déjà » ? Elle s’appelle Madeleine, elle habitue au 5 bis rue Béranger avec son Mari Pierre, elle a 85 ans. « Marie Brillant. Bah ça alors. C’est beau Brillant. J’ai la chance d’avoir trouvé mon Brillant moi aussi » Je me demande comment elle a pu être laissée seule par son mari. Sa mémoire vive est de seulement quelques minutes. Entre deux explication de comment on s’est rencontré (« C’est fou qu’on soit tombée l’une sur l’autre ») j’arrive à remonter un peu le bribe de sa vie. Bibliothécaire à Paris 8. Adore les livres compliqués, pas les romans. Né en 39, a manifesté pendant mai 68. On s’arrête dans un café assez banale proche de république. Elle est émerveillée de vois autant de jeunes « qui font que de parler » . C’est fou qu’on soit tombée l’une sur l’autre. On arrive enfin au 5 bis rue Béranger. Un livreur qui passait par là nous ouvre la porte.
Je lui demande « Vous savez quel étage vous êtes » ? Elle me dit : « Je sais quand même rentrer chez moi ». Dans le hall, on tombe sur une jeune femme qui reconnait Madeleine. Elle m’explique que Madeleine n’habite plus ici depuis 10 ans, son ex mari habite encore là. Madeleine elle, vit dans un centre de soin dans le Marais. La dame la connait, elle me dit « Je m’en occupe » et me remercie infiniment. Je pense qu’elle croit que Madeleine m’a fait perdre mon temps alors elle me remercie vite. Je reprends mon manteau, Madeleine me sert la main fort, elle me fait une bise et en quelques minutes je suis dehors. Dans la rue Béranger, d’un coup je me sens seule et vide.
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Je marche place de la république, j’ai un peu j’avoue les larmes aux yeux. 2 meufs asiatiques m’arrêtent me demandent si je veux bien qu’elle me montrent un présentation sur la Dieux la Mer. Dieux le Maire ? Je comprends rien mais je dis oui. Elle me sort un iPad et m’explique Dieu n’est pas UN mais deux est PLUSIEURS. Il y’ a Dieux le Père et Dieu la MERE. Tout ça avec un accent coréen hyper fort. Je leur dis : Ah vous êtes un peu des Chértiennes Féministes ?. Je vois dans leurs yeux que je suis hyper à côté de la plaque. J’insiste pas, je m’eclipse.
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Rencontre de Christophe et Frank, deux personnes s’occupant des encombrants dans le 11ème arrondissement. Christophe et Frank travaillent de 12h20 à 17h12. Frank a un fils. Christophe a trois enfants, son aîné a 14 ans, il habite à Coulomier. Son collègue habite à Maison Alfort. Il leur arrive de récupérer tout un tas de choses avec les encombrants. La dernière fois Christophe a récupéré une nintendo qu’il a offert à son fils, un de ses collègue a récupéré 800 euros il n’y a pas longtemps. Frank et Christophe sont très sympathiques et avenants avec nous, ils sont touchés par le fait qu’on leur pose des questions sur leur travail. On essaie de deviner nos âges mutuellement, Frank nous explique que c’est grâce au rhum qu’il boit qu’il paraît plus jeune.
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Rencontre avec Stéphane, le boucher qui n'est pas charcutier ! Boucher et charcutier c'est pas la même chose, le boucher ne fait que vendre les produits finis alors que le charcutier prépare la viande. Lui il se fournit à Rungis ou directement dans les abattoirs de Bourgogne, il ne prépare pas la viande, il l'achète préparée et la vend. Être charcutier c'est devenu très compliqué à cause des normes et de l'espace que ça requiert. Il est normand et vit à paris, il a un scooter 500m3 avec 3 roues (c'est mieux niveau sécurité), et il va régulièrement voir sa famille en Normandie en scooter depuis Paris. Il a eu un accident avec son scooter, il a heurté une voiture mais rien de grave heureusement. Son souhait pour 2025, c'est que tout continue comme ça, en attendant la fin (la retraite). Stéphane était content de nous parler, il a demandé à son collègue de gérer les clients pendant qu'on discutait.
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Rencontre avec des flics qui rentrent chez eux, ils ont pas le time car la journée est finie ils ont envie de rentrer chez eux - mais on a quand même le temps de faire 2-3 blagues.
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Rencontre avec ??? on a pas compris son prénom, un chinois qui travaille comme vendeur dans une boutique de soutiens gorges. Il vient d'une petite ville en Chine, ça fait 14 ans qu'il est à Paris. Il est venu car un ami chinois lui a dit que Paris c'était cool. Il ne parlait pas français, et il a appris sur le tas, en travaillant dans des restaurants. Mais les restaurants, c'est trop de travail, trop stressant, ça coupe l'appétit de travailler en cuisine, et c'est pas un bon cadre pour apprendre le francais (en cuisine conversations très limitées). Son mot pour 2025, c'est la santé. Sans la santé, ya rien. Il dit que les souhaits dépendent beaucoup du niveau de vie: si tu n'as rien, tu souhaites un toit ou à manger, puis un travail, peut être une famille, puis tu peux devenir plus inventif en souhaitant le bonheur, les voyages, etc. Il n'aime pas trop son boulot mais il dit que c'est pas à lui de choisir car il est pas dans son pays. Il a un fils de 8 ans et rentre voir sa famille une fois par an. Il semblait content de discuter un peu, nous disant qu'il avait peu de passage dans son magasin.
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Rencontre avec Melissa et une autre jeune femme qui sont pharmaciennes au 123 rue du Faubourg du Temple. Mélissa nous accueille de manière très enthousiaste et souriante. Elle nous explique qu’elle trouve qu’à Paris les gens sont un peu fermés et aigris et adore notre démarche et l’idée de papoter avec nous. Melissa lit en ce moment “ la femme de ménage” un thriller en trois tomes qu’elle nous recommande vivement. Elle est trop sympas et nous donne des conseils pour choisir une bonne mutuelle. Son mot pour l’année 2025 est “bonheur” . Sa collègue vient de Marseille et nous explique que le climat et la chaleur des gens du Sud lui manque. Cependant, elle se sent en sécurité à Paris, elle aime le fait de pouvoir sortir facilement le soir, mais elle sent qu’elle a envie de partir à un moment donné de cette ville, peut-être vers un pays anglo-saxon. Son mot pour 2025 est “voyage” et "paix”.
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Rencontre avec Raphaël, un brancardier de l'hôpital. Il est en pause clope. Il se plaît dans son job, il a pas de diplômes et dit qu'il est content d'avoir trouvé cette voie, il aime être au contact des gens et travailler dans le social. Il nous raconte ses pires experiences, et dit qu'il est chanceux d'être dans cet hôpital qui est propre vs Bichat ou d'autres qui sont plein de rats et de sang (miam).
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Rencontre avec une serveuse du café xx, trop sympa, qui a fait sa carrière dans une maison de couture. Après un licenciement économique, elle s'est reconvertie en serveuse. Elle a un doigt coupé à cause d'un accident en réparant sa chaîne de moto. Elle se considère épanouie dans son travail, elle aime beaucoup le quartier. Elle nous a offert des petits muffins trop bons 💕
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Mimi aka Tamara est un big bang venu d’Ethiopie. Rayonnante, elle nous embarque dans l’aventure de sa vie, celle de la quête de ses origines. Le chemin fut ardu mais le hasard a bien fait les choses. À travers le café, elle tisse un lien de coeur avec les goûts de son enfance qu’elle partage dans Paris, munie d’une exigence pointue mais sans jamais de prétention. Son voeux pour 2025 est celui de retrouver sa famille. Loc : 65 rue Bichat
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Lise est une jeune artiste haute en couleurs, blonde et bleue. Son souhait pour l’année à venir : créer, continuer à créer, et aussi changer de président. Loc : 10 rue Bichat
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Voeux collectés aupres de curieux futurs drifteurs au 25 rue bichat :
Camille : trouver le moyen de partir vivre à l’étranger
Dylan : arrêter les petits mensonges de la vie quotidienne et les exagérations
Sego : laisser plus de place à la spontanéité
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Je n’ose pas aborder les passants dans la rue, alors je choisis d’aller dans un rade. Je commande un café et je demande à l’homme qui est a ma gauche son voeu pour 2025. Bien qu’éméché, il n’hésite pas une seconde. Son voeu c’est de « Mourir plus vite ». Sa vie a déjà bien assez duré. Je comprends qu’il a environ 70 ans, mais tout est un peu flou parce qu’il est bourré et il a une infirmité a la bouche qui fait que je comprends la moitié de chaque phrase. Parfois je lui demande de répéter, ou alors j’abandonne et je fais mine de comprendre. Je lui demande son prénom, il me dit : « Mes Couilles ». Le mec à ma droite me confirme qu’il dit ça a tout le monde. De fil en aiguille il me dit qu’il s’appelle Chung. Il voit mon étonnement. « Tu croyais que j’étais arabe c’est ça ? ». A vrai dire oui ! Mais Chung est en réalité vietnamien. Avec une histoire plutot hard. Il a grandi a Saïgon, issu d’une famille de la grande bourgeoisie. Ils avaient des domestiques. Puis avec la victoire des communistes dans les années 70, il dû s’enfuir. Il arriva a Vouvray, et devint pupille de la nation, c’est à dire un enfant dont les parents ont été tués à la guerre. S’en suit une vie chaotique avec plusieurs séjours en prison, 5 ans au total dont quelques années à Fresnes. Le mec à ma droite me dit que depuis qu’il a 15 ans, il croise Chung dans le quartier, toujours dans un état assez catastrophique : « cet homme mange liquide, je ne sais pas comment il est encore debout . » Après une vingtaine de minutes de discussions / déchiffrage, je décide de poursuivre mon rift. Je ne sais pas pourquoi je n’ose pas lui dire que je m’en vais, alors je lui dis que je reviens plus tard. Erreur! Il me demande, à quelle heure je reviens. Je lui dis que ce sera surement demain. Il me fait confirmer. Je crois que je vais devoir passer faire un coucou à Chung demain après midi.
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46 Rue Bichat, JJHINGS : Toujours pas à l’aise pour aborder les gens dans la rue, je passe devant un glacier qui vend de belles part de galette des rois. Je fais la queue et je commence à parler avec le mec devant moi, un gars de mon âge, au tempérament particulièrement doux et serein. Je lui pose notre fameuse question, histoire de faire passer le temps. Il me répond que son voeu pour 2025 c’est : « plus de liberté ». Que c’est sa boussole générale dans sa vie. Il me demande quel est mon voleur, je ne m’étais pas préparé à ce qu’on me renvoie la question. Je lui réponds que je souhaite m’ouvrir a l’inconnu, sortir de ma zone de confort. Je lui raconte ce qu’on fait cet aprem. Ça lui plait et ca l’intrigue. Il achète ses parts de galette et on se dit au revoir. Il s’appelle Lucas ou Simon.
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217 Rue St Maur : Je croise une connaissance, un mec que j’aime bien même si on s’est vu que deux fois. Il s’appelle Hiheb et il est accompagnée d’une amie qui s’appelle Robin. A eux je leur raconte tout de suite ce que je suis en train de faire, je les mets dans la confidence et ils se prêtent à l’exercice. Pour 2025, Hiheb veut un passeport français. Robin veut un frigo rempli.
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209 Rue St Maur : Je suis attiré par les étals d’une boutique de Hifi vintage et de vieilles fringues, c’est un joyeux foutoir, et le nom claque : « Vintage Music Power ». Je rentre, regarde quelques vinyles, et découvre tout un tas de vieilles radios et lecteurs cassettes retapés. Je demande a l’homme qui gère la boutique comment il a commencé sa collection d’objets Hifi. En fait, ce n’est pas lui le gérant, mais m’explique que lui, il est réparateur en aéronautique. Et que pour le kiff, il répare de la Hifi. « Deux types d’électroniques bien différents » lui dis-je. « Non, non » me repond-il, « tu sais c’est comme la cuisine, la Hifi c’est un Couscous, et l’aéronautique, c’est de la gastronomie. » Il me fait rire, et là j’embraye sur la question. Son voeur pour 2025 c’est la Santé avant tout. Et puis je m’apprête à partir. Finalement il me fait rester, il veut me faire écouter ce petite radio Philips des années 60 sur laquelle il a mis un récepteur Bluetooth. Il me fait écouter Bob Dylan depuis son smartphone sur la radio Philips. Très fier du résultat, il m’explique que le son est super car le haut parleur d’origine est une membrane large bande. Il sort un papier et commence à m’expliquer le rapport de puissance en watt. Puis il m’explique tout un tas de trucs qu’il a fabriqué. Un système dans sa voiture pour ressentir les Subs de la musique par les pieds. Un système de tamis pour trier je ne sais quoi au bled, en envoyant des vibrations à une fréquence précise dans le tamis pour le faire vibrer. Ou encore comment trouver les défauts de fabrication d’une guitare, en mettant du sable fin dessus, en collant un haut parleur qui envoie une fréquence spécifique pour faire vibrer le sable. Si le sable se déplace vers une zone précise, c’est qu’a cet endroit, ce n’est pas encore assez lisse.
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De tous ces petits drifts j’ai aimé que la question du voeu ne soit qu’un prétexte pour discuter de choses qui n’ont absolument rien à voir, inattendues, et intéressantes. Après ces rencontres, j’avais moins envie d’en faire d’autres. Ca m’a fatigué de me rendre autant disponible à l’inconnu. Ça donne envie d’en refaire. Je me suis senti complètement bien avec les autres quand la discussion était lancé. N’ayant absolument aucune attente dans cet échange, et ayant du temps, je me suis senti authentique, et à l’aise.
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Le Carillon, 18 Rue Alibert : Passionné par les bars restaurants d’époque, lieu de vie et d’histoire, le carillon a été l’occasion d’un café au comptoir et de la rencontre d’Hassan. Amusé par notre regard qui se baladait du carrelage au plafond, il nous demanda de deviner la date de naissance du resto. 1913 proposa Emma, bingo! Les patrons ont récupéré le local dans les années 70 et ont souhaité prolonger l’histoire de ce lieu en ne touchant à rien. Son vœu pour cette année ? La retraite! Retourner dans les montagnes de Kabylie mais sa fille le lui a interdit tant qu’elle serait encore étudiante, elle a 11 ans. Et puis s’il devait partir, il se marierait une seconde fois pense-t-elle alors, hors de question.
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Chapelle de l’hôpital Saint Antoine : Balade dans l’hôpital Saint-Antoine, avant de partir on voulait visiter la chapelle mais la porte était fermée. De l’extérieur on entend un homme dire : Vous voulez visiter ? J’arrive dans 5 minutes! La soixantaine, à moitié sourd et haleine d’alcool bien installée, Patrick nous fait entrer. Il fait partie d’un groupe de bénévoles pour l’entretien de la paroisse. Il nous raconte que l’accord passé entre chrétiens et protestants a conduit au blanchiment de toutes les statues qui étaient en fait très colorées, des murs blancs qui cachent d’immenses fresques et que c’est bien dommage que l'hôpital n’est pas l’argent pour remettre en état l’intérieur de la chapelle.
Il nous propose ensuite d’emprunter l’escalier du fond et de visiter la loge d’Henri IV et de la reine Margot, point de vue à partir duquel on peut voir l’autel sans voir le petit peuple. On grimpe un étage de plus jusqu’à une sorte d’orgue a priori unique en son genre, et un étage de plus et on est dans les combles de la chapelle. Le vœu de Patrick, la santé.
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65 rue Bichat : Une histoire longue et digne d’un film, Mimi, ou Tamara a commencé par nous accueillir dans sa toute petite boutique “Buna” qui sentait le café grillé. On comprendra plus tard que Buna ca veut dire : Cérémonie du café en Ethiopie. Et que tout le monde fait la Buna, tout le temps on pensait la déranger car elle était sur son téléphone mais en fait elle tentait d’apprendre L'amharique, une des langues principales de l’Ethiopie. A l'arrière sur une sorte de plaque ronde en métal des petits grains de café sont en train de griller, enfin cramer. On a du mal à savoir comment on en arrive ici, mais très vite Tamara se livre entièrement, suite au descriptif de la cérémonie du café, qui se déguste trois fois de suite et régulièrement en Ethiopie. Elle commence à nous dire assez vite que le goût de la Buna, si spécial, est son plus lointain souvenir. On apprend assez vite qu’elle a été adoptée, et qu’une quête extraordinaire lui a fait retrouver sa famille. Je passe de nombreux détails, mais c’est en se rappelant du goût du café, et d’une nourriture en particulier, d’une grande porte bleue, d’un marché à ciel ouvert, et d’une route sinueuse qu’elle a trouvé son chemin jusqu'à sa famille. Elle avait 4 ans et sa petite sœur 2 quand elles furent adoptées par une famille française en Ethiopie. Pour Mimi, c’est son grand frère qui les a abandonné car quand ses parents sont morts, et que lui avait 13 ans, c’est lui qui les a mis dans ce centre pour orphelin. Mimi se rendra compte plus tard que son frère “Déjà Chef de famille a 13 ans” voulait en fait les protéger, les a accompagné lui-même jusqu'à ce centre en traversant les plus longues routes, En dormant dehors devant le centre d’adoption pour savoir si elles allaient bien. Mimi se dit aussi qu’elle a dû prendre de la maturité à l'âge de 4 ans. S’occuper de sa petite sœur. Le Grand frère a refait sa vie au Canada sans jamais cesser de les chercher. La grande sœur de Mimi est restée dans le village au cas où les deux sœurs reviendraient. Mimi nous raconte presque en pleur l’aventure merveilleuse du retour au village, de tous les souvenirs qui reviennent, des pleurs 1000 fois a chaque passage à l'aéroport, des moments sur le point d’abandonner après avoir parcouru l’ethiopie, qui fait près de quatre fois la taille de la France. Et quand on demande ses vœux à Mimi, et qu’elle nous dit : être réunis avec sa Famille, on comprend que c’est très fort. Puis on s’assoit, on se remet de nos émotions. Elle nous offre le café, on parle, on en apprend un peu sur la torréfaction, elle nous offre un café puis on s’en va. Super heureux
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11 rue Sainte Marthe : Je demande ses voeux a un disquaire qui fume devant son magasin, qui me dit : la santé/ J’essaie de parler, d’en savoir plus, mais il répète la santé, qu’est-ce que tu veux, la santé. Je reste un peu mais il me demande de m’en aller
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209 Rue Saint Maur : Je croise un monsieur qui est en haut parleur avec sa maman, car il cherche le magasin pour aller réparer ses enceintes, il a visiblement besoin d’aide, il est en face du magasin qui s’appelle vintage music power, je me dis que c’est surement la donc on rentre ensemble, puis je lui laisse expliquer longuement et péniblement son problème au vendeur. Je m’assois. Après un long moment, les enceintes remarchent à peu près. Husseine est super sympa, il bosse là par passion, car sinon, il fabrique, selon ses dires, des Rafales, chez Thales, il a un amplificateur à 1800 euros a la cave et des centaines de composants électroniques car son rêve c’est de construire des enceintes pour tous ses fils, mais il se dit qu’il le fera quand il sera à la retraite, même s’il sait qu’il y a de grandes chances que cela ne se fasse Jamais, lui ses voeux c’est la santé car avec la santé les autres maux s’effacent, il me dit qu’il pense santé au sens général, et que quand on va bien dans sa tête, et dans son corps, on est sympa avec les autres. Selon ses mots “ J’ai la haine contre le racisme”. Il me dit qu’il est content d’avoir un poste aussi élevé chez Thales comme ca il peut faire changer les gens. Je lui demande par quoi commencer si on veut construire des enceintes. Je ne comprends pas grand chose, mais il faut absolument commencer par les haut parleurs, car après, l’ampli c’est facile, les cartes électroniques se commandent toute faites sur internet, Il me donne son numéro pour que je l’appelle dès que je m’y met, il me dit que si je veux faire un truc bien, il faut absolument viser 97 db minimum, et un ampli classe A. Il me dit que les amplis à tube c’est de l’arnaque, je ne comprends pas et je lui demande de m’expliquer mais c'était un peu trop compliqué, mais on va y revenir avec mon frère pour lui prendre des conseils .
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Chez bleuet coquelicot, rue de la grange aux belles : j’y ai rencontré un super fleuriste, a qui je n’ai malheureusement pas demandé son prénom. Au milieu de sa jungle urbaine, un poil décontenancé par mes questions, il m’a quand même partagé ses vœux pour 2025 : plus d’amour, pour tout le monde, et plus de fleurs. Lui, son projet, sa « résolution », c’est de faire pousser ses propres fleurs dans Paris, grâce au dispositif Pariculteurs.
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À la bibliothèque municipale Francois Villon, boulevard de la Villette, j’y ai rencontré Hervé, bibliothécaire un brin réservé, extrêmement concentré sur son rôle (en l’occurrence la création de ma carte de bibliothèque), et qui s’est révélé être un ambassadeur passionné des bibliothèques de Paris. Pendant une quinzaine de minutes il m’a Piché les innombrables services de la bibliothèque, les fonctionnalités prodigieuses du site internet (comme prévenir presque en temps réel (!!!) des grèves qui pourraient occasionner des fermetures), et les ateliers d’éveil pour nouveau-nés qu’il ne faut surtout pas manquer. Une rencontre assez touchante même si nous n’avons pas parlé de vœux pour 2025.
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Devant la piscine municipale, l’homme d’accueil de la piscine sans doute, en tong pantacourt et t-shirt,Profitant d’une pause clope roulée bien méritée. Sans doute un poil saoule d’être dérangé, profil bougre sympathique, il nous a répondu que les résolutions de bonne année c’était pas son truc. Il pourrait souhaiter de faire fortune mais a quoi bon, y’a quand même peu de chance que ça lui tombe dessus. Ah ce matin quand même il a souhaité que ce soit calme à la piscine et il s’en est pas trop mal sorti. Pour le monde plus globalement ? Bah là y’a trop de boulot. Peut être la mort des poutine et compagnie mais même pas sur qu’ça serve, y’en aurait sûrement d’autres pour prendre le relai.
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Au 6 rue de la Grange aux Belles, nous avons rencontré Yoko. Elle tient la boutique Aoi, qui regorge de trésors japonais en tout genre : kimonos (pour bébés), bols à ramens, collection de chaussettes avec le gros orteil séparé, papeterie et babioles kawai… Yoko a un grand sourire mais un rire un peu nerveux qui trahit une pointe de timidité. Elle est arrivée en France à l’âge de 20 ans, fascinée par la culture française qui a au final beaucoup en commun avec le Japon. Elle a rencontré un Français avec qui elle s’est mariée et ils ont deux enfants, qui ont maintenant 14 et 20 ans. Apres avoir passé beaucoup de temps à s’occuper de sa famille, elle aimerait maintenant prendre plus de temps pour elle. Pas pour faire du sport, ça ne l’intéresse pas, ce que Yoko aimerait beaucoup c’est apprendre l’anglais. Ca l’aiderait beaucoup pour parler avec les touristes qui visitent la boutique !
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90 Quai de Jemmapes : Devant le n°90 du quai de Jemmapes, au bord du Canal, se promène Joëlle, 77 ans, avec son chien, London. Sa meilleure copine a appelé son chat Paris, alors elle a appelé son chien London. Elle a failli ne pas le prendre, car elle mourra sans doute avant lui, mais sa fille a insisté. Au début Joëlle n'a pas vraiment envie de parler, cette interruption inhabituelle de sa balade lui semble, sans doute étrange et son réflexe de vieille dame est un poli et résolu "oh vous savez à mon âge on ne souhaite plus rien, la santé peut être". Et puis un sourire et une question de plus, et finalement Joëlle s'ouvre, et on finit par tirer des fils dans toutes les directions. De l'assistance sociale où elle travaillait après avoir été éducatrice à Sarcelles, des études qu'on faisait faire aux filles en province mais pour lesquelles il n'y avait pas de métier, une licence de philosophie pour elle. De sa jeunesse étudiante en mai 68, moment où elle s'est sentie autorisée à enfin répondre à ses parents, même si pour sa dernière gifle elle avait 24 ans. Et puis son quotidien, seule à Paris, ponctué par les deux promenades chaque jour avec son chien. Mais heureusement qu'elle est à Paris, à Paris il y a de la vie au moins, là d'où elle vient c'est pire. Joëlle habite quelques rues plus haut, au 112 rue Jean-Pierre Timbaud, pile en face de chez moi. Et ça m'émeut de me dire que je n'aurais jamais parlé à cette dame qui passe pourtant deux fois par jour devant chez moi depuis 5 ans. Je n'ai pas envie de la laisser, je sens qu'elle pourrait maintenant parler des heures, et pourtant on se laisse. J'ai envie de lui donner mon numéro, mais je suis retenue par l'idée qu'elle trouverait ça bizarre. Comme si proposer un café à quelqu'un qu'on a apprécié l'était plus que l'arrêter pour une carte de voeux. Alors je lui dis que j'espère la recroiser au Cannibale en bas de chez nous, et on se laisse sur ce peut-être
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Rencontre avec deux militant.e.s de la lutte ouvrière, des communistes, au coin rue saint Maur et rue faubourg du temple, une femme et un homme, la cinquantaine. Je leur dis que je les trouve courageux de militer dans la rue un samedi aprèm. Yves commence une conversation avec moi, il me parle de la lutte ouvrière, il me demande pourquoi cela me touche. Il est conscient que ce parti semble antique, il dit qu’il pense que rien ne va changer prochainement mais pourtant face aux injustices du monde sa manière de se sentir utile c’est de venir la et de distribuer des tracts. La militante, qui est avec lui et qui a une jolie doudoune orange qui va bien avec son sourire, me dit qu’elle est tellement horrifiée des guerres en Ukraine et en Palestine, elle ne peut pas rester chez elle. Un moment, un homme d’une cinquantaine d’année, indien, bourrée de petits tics, me regarde, je le regarde. Finalement il s’arrête à notre niveau et nous demande avec un français approximatif ce que c’est que ce mini rassemblement. La militante commence à lui parler, nous on continue à jaser avec Yves. Puis le nouveau venu nous dit : venez je vous invite à boire un café, on sera mieux au chaud. On va dans un café, celui avec que des hommes sur leur portable. L’indien sort de son sac un cake aux fruits et il insiste pour qu’on en prenne. On continuer à parler, je parle de mes inquiétudes que l’IA remplace les jobs de cadre. Finalement on ressort, et je les quitte, plein de tracts dans le sac et des sourires dans la mémoire.
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Marty la tatoueuse, je lui dis que je participe à un groupe avec des amis ou on veut le temps d’une aprèm connecter avec les gens que l’on rencontre. Elle ne semble pas bien comprendre cette envie. Je lui dis que dans la ville les gens vont beaucoup d’un point A à un point B et font des trucs fonctionnels. Elle est surprise, elle me dit qu’elle ne fait pas ça elle. Elle est tout le temps à l’écoute de la rue, du monde, elle parle souvent aux gens dans la rue. Je lui dis que dans mon groupe ça nous parle beaucoup le fait que les gens ont un rapport très fonctionnel à la ville, elle me dit que c’est marrant parce que dans son groupe c’est pas du tout le cas.
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Yves, militant lutte ouvrière (lieu : croisement rue saint Maur, rue faubourg du temple) :
je souhaite qu’il y ait plus d’échanges et de discussions
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Marty, tatoueuse (lieu Atelier Marty tatoo rue bichat) :
j’ai jamais fait de résolutions pour la nouvelle année
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Katy, infirmière pour le don de sang (lieu Etablissement français du sang, carrefour rue bichat) :
passer plus de temps avec mes parents que j’aime tendrement
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Adrien, galeriste rue d’Aix (lieu : nocte rue d’Aix) : « j’aimerais faire la soirée parfaite qui regroupe tous mes goûts pour la musique, la peinture, la drag, l’enlèvementiel. »
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Maël, peintre bretonne (lieu nocte rue d’Aix) : j’aimerais moins critiquer
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La réceptionniste du don du sang qui m’a accueilli avec un si beau sourire même si je ne pouvais pas donner car il faut réserver des créneaux en ligne et qui a insisté pour que je prenne un café et un gâteau avec eux.
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Première rencontre au comptoir du bar l’Écluse, au 4 rue de la Grange aux Belles
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Je marche seul le long du canal à la recherche de personnes accueillantes. Un homme assis sur un banc me regarde, je le salue et lui souhaite une bonne année. Je m'approche en lui tendant la main, il se méfie. Je me présente et nous commençons à échanger. Je lui demande ses résolutions pour la nouvelle année. Il me regarde bizarrement comme si j'avais posé une question déplacée. Il me dit qu'il n'en a pas et que les résolutions c'est de la merde. Je lui demande s' il a des vœux pour l'humanité en cette nouvelle année. Là, il est plus loquace et me répond qu'il aimerait que les gens fassent la paix entre eux et que la guerre s'arrête. Il fume son joint et nous commençons à parler politique. Il me dit que Macron est vraiment un type étrange et que Jacques Chirac lui manque. Je finis par le quitter.
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Je marche à la recherche d'interactions. Je suis rue Croizon. J'aperçois dans l'entrebâillement d'une porte ouverte un piano à queue et une belle pièce avec une fontaine en pierre qui trône au fond. Je m'approche, et demande à l'accueil quel est ce lieu. On m'invite à rentrer et on m'explique qu'ici, c'est La Passerelle, une association multidisciplinaire qui propose des cours de philosophie et des activités autour des arts du corps. La dame de l'accueil, sympathique quadragénaire, me propose une visite. Au fond de cette grande pièce, un couloir donne sur plusieurs salles que je visite. Elle me montre d'abord une grande salle, avec un petit piano et des gants de boxe accrochés sur le mur. Ici on donne des cours de Yoga, de Krav Maga et de danse. Nous poursuivons la visite dans une petite bibliothèque remplis de livres. Je regarde les titres et je me rend compte qu'il y a beaucoup de livres mythologiques, mystiques et pas mal de philosophie orientale. Nous commençons à discuter de la philosophie qui est enseigné dans l'association. Elle me parle d'une pratique philosophique qui mêle des inspirations orientales et occidentales. Elle évoque Shri Aurobindo, je lui dis que j'étais à Auroville il y a quelques mois et nous en parlons un peu. J'ai l'impression d'avoir assez usé de son temps, je la remercie et me dirige vers la sortie mais elle me dit que la visite n'est pas terminée et qu'il faut absolument que je vois le théâtre de poche de l'association. La porte d'à côté mène sur une minuscule salle avec des fauteuils rouges et une toute petite scène. Je la remercie encore, prends en photo le prospectus qu'elle me temps et je pars. Quand je retourne dans la pièce principale, je vois que sa collègue est en train de parler à un policier. Je me demande ce qu'il se passe et quand je franchis le pas de la porte je vois 2 camions de pompier et une voiture de police. Il y a une intervention dans l'immeuble voisin. Je croise le regard d'un pompier en quête d'une possible interaction mais son regard n'invite clairement pas à l'échange, ça a l'air sérieux.
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Je continue mon drift, je me pose dans un restaurant tunisien, je bois un thé. Une dame s'assoit à côté de moi et commence à parler en arabe au téléphone. J'ai envie de lui parler mais finalement je finis mon thé et reprend ma marche.
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J'ai envie d'aller dans une église. Je regarde sur google maps et me met en marche vers la paroisse la plus proche. J'arrive à l'Eglise Saint Joseph des Nations. Juste devant moi un couple de mon âge rentre, ils me tiennent la porte et je les suis à la l'intérieur. L'Eglise est quasi vide. J'en fais rapidement le tour et sur le retour je croise le regard d'une vieille dame assise sur un banc. Je la salue et elle me fait des grands signes pour m'inviter à m'asseoir à côté d'elle. Son visage est assez lumineux et sympathique. Elle m'explique que l'église a été rénovée en 2024 et me fait la description de tous les travaux qui ont été réalisés. Je lui demande son nom, elle s'appelle Anna. Je lui demande si elle vient souvent ici. Elle s'esclaffe en me disant que ça fait 40 ans qu'elle habite dans le quartier et qu'elle fait partie de cette paroisse. Elle enchaîne en me racontant que le curé qu'elle adorait est partis l'année dernière. Il était formidable. Il avait fait polytechnique et regorgeait d'idées nouvelle pour la paroisse et notamment pour les jeunes pour lesquels il organisait des voyages.
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Je demande à Anna où elle vivait avant Paris et quel métier elle faisait. Elle commence à me raconter sa vie. Elle a été infirmière, d'abord à l'étranger, au Maroc, à La Réunion et en Algérie. Puis elle est revenu en France. D'abord à Lyon, puis à Paris. Elle me dit qu'elle travaillait à Noisy le Grand dans un des derniers bidonville de l'Ile de France. Je lui demande ce qu'elle se souhaite pour cette nouvelle année. Elle me dit qu'elle veut surtout pouvoir continuer à marcher car c'est très importante pour elle d'être autonome. Je comprend
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J'essaye de savoir si elle a de la famille, avec qui elle vit mais sans poser des questions trop frontales. Je comprends qu'elle habite seule. Dans le même appartement depuis 40 ans. C'est un 27m2 rue Oberkampf au 2ème étage. Je continue mes questions et j'en déduis que ça fait 40 ans qu'elle habite seule. Elle me dit que sa seule famille, ce sont les gens de l'Eglise. Elle n'a pas l'air d'être triste mais elle me fait beaucoup de peine. J'essaye de m'imaginer ce que ça fait d'habiter 40 ans seul et d'avoir 87 ans. Nous finissons par nous quitter et je lui souhaite le meilleur pour cette nouvelle année. Je lui dis que j'espère la revoir dans un an au même endroit et me souris et me dit à l’année prochaine.
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Je pars accompagnée de Jules et Emma. Jules a une envie immédiate (et assez prévisible en ce moment post-déjeuner sur le pouce) de café au comptoir. Il prend souvent un café-comptoir, c’est comme ça qu’il dit. C’est déjà un baby drift en soi pour moi, je n’en fais jamais. On est trois à entrer dans ce bar, le carillon, plein de trésors pupillaires. Jules est sensible aux beaux bistrots, ceux avec des piliers, ou des zincs caractéristiques, les murs anciens, les atmosphères similaires et singulières à la fois.
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Fresque grise semi haute, est-ce que c’est un mur, un papier peint, un ajout, un reste, un choix, un accommodage, un regret, un souvenir, une crispation ? C’est drôle comme j’ai envie de tout boire du regard avec cette intention du drift qui m’accompagne.
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Hassan a les dents blanches et les cheveux poivre et sel. Il est barman au Carillon.
« A votre avis, il date de quand ce bar ? ». On fait nos paris. Hassan écarquille les yeux : « vous êtes la première personne à tomber juste ». Emma est quelqu’un de très précis. Et elle connait plein de choses. Moi je suis contente de la redécouvrir durant cet après-midi comme une boite précieuse que l’on n’a pas ouverte depuis longtemps. Je suis aussi contente que Jules ouvre cette boite. Son vœu, à Hassan, ça serait de partir à la retraite. Mais sa fille ne veut pas, elle veut au moins terminer ses études. «Quoi comme études ? » « Elle a onze ans », on rit tous les quatre. Si elle veut finir ses études, c’est parce qu’Hassan veut partir. « Aller en kabylie, dans les montagnes ». C’est magnifique, il nous dit. On y skie, mais à l’arrache, on coupe un morceau de plastique et voilà. Sa fille ne veut pas qu’Hassan parte car elle dit qu’il va se re marier. « Tu vas pas nous la faire à l’envers, si tu pars tu vas rien nous laisser ». Nos cafés sont finis, enfin le mien presque, mais il me brûle un peu l’estomac, alors je laisse un petit bain sombre dans ma tasse, et puis on part. Ah tiens, je voulais faire un donc du sang. C’est ce qu’on a vu, en marchant. Mais ça peut affaiblir, alors j’ai gardé ça pour plus tard. Et puis on était 3, et je ne me voyais pas fausser compagnie à mes acolytes tout de suite. A la fois un peu par obligation, que je me suis imposée à moi-même. Et à la fois parce que j’avais envie de prolonger ce moment tous les trois. Tour de l’hôpital saint Louis. Vieux et beau. On finit par trouver une entrée. Pas un chat, ou presque. Fut un temps, il y avait une école appelée l’école des enfants teigneux ici.
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Chapelle Saint Louis. On s’apprête à partir, surtout moi, dans une impatience de l’après. Mais à travers les grilles du portail donnant sur la rue, un homme aux cheveux courts et gris passe sa tête, il est de taille moyenne, avec une bonhomie décelable surtout à ces mots qu’il nous lance à travers les barreaux de la porte : « Si vous voulez méditer j’arrive vous ouvrir dans 5 minutes ! » On l’attend 5 minutes. Patrick arrive, nous donne un fascicule pour connaitre le lieu. Il a plein de choses à dire sur cet endroit. Il y est bénévole. Puis il nous dit que là-haut, c’est la loge du roi Henri IV. Emma précise qu’il devait être avec la reine Margaux. Quand il y montait, il ne voyait pas les sujets. « Vous voulez monter là-haut ? Il y a un harmonium, c’est comme un orgue, mais avec un système comme un accordéon». Le verrou de la porte d’accès a l’air difficile à faire céder, Patrick tressaute en l’ouvrant, tout en continuant à nous raconter des choses. Et puis le plaisir. De monter dans cet escalier vieux, plein de poussière, des vieilleries ici et là. Un escabeau, ici justement, dont deux des pieds reposent sur de l’air, il s’appuie contre un muret pour donner un accès à une première ouverture. Le vitrail est magique. En équilibriste on monte puis on redescend, et on continue l’ascension en colimaçon de pierre. 2ème accès, la salle du roi. Un crucifix dans un coin à l’ombre, des énormes cierges. On continue de monter. Une dernière porte en bois très vieux, des marches étroites qui donnent des dents au vertige. C’est-à-dire qu’il me mord, au niveau du creux poplité. On monte. On arrive dans les toits de la chapelle. Sombres, caverneux, boisés. On reste un peu, à observer l’ancienneté des lieux. Sur l’immense fenêtre ronde, des gravures. « C’est les graveurs de pierre qui étaient là », dit Emma qui sait tout. Ypragues, 1861. CIANIE III. 1851. Moi aussi un jour j’ai écrit sur des morceaux d’argile que j’ai enterré dans le jardin de ma cousine. Sauf que je ne sais plus si j’ai mis de vraies dates ou des fausses très très anciennes. C’est mon côté faussaire. Encore quelques mots avec Patrick lors de la redescente, qui nous apprend que chaque arbre planté dans la cour de la promenade correspond à un professeur décédé qui a exercé longtemps à l’hôpital « ce serait quoi votre vœu pour cette année ? » « Que vous alliez bien ». Rencontre d’un charcutière, dont la boutique regorge de cochons en tout genre. Céramiques, figurines, sculptures, peintures, pins, peluche, … Toutes les déclinaisons possibles et imaginables du cochon « c’est nos clients qui nous les ramène, un par un » nous dit-elle, balai à la main. C’est la fermeture. Un peu plus loin, un jus de gingembre me brûle l’œsophage. J’ai voulu entrer parce qu’il y avait de très belles chaises, en osier, princières, dans ce petit resto africain. Un homme à notre gauche a l’air de faire ses comptes. La configuration d’assise à 3 n’est pas propice à l’ouverture.Et puis, je n’ai pas osé. Pourtant on a ri un peu à la fin, parlé de la météo. Mais je n’ai pas osé continuer à discuter. Et puis je repars seule, pour une petite demi heure. Je me disais que seule ça serait beaucoup plus facile, pour discuter avec les gens. Que nenni. En même temps je dois dire que je commençais à avoir froid.
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